Des atomes de phosphore déposés en chaine

Résultat scientifique

Les matériaux de basse dimensionnalité, agencés en surface ou en chaine, sont très étudiés pour leurs propriétés nouvelles et leur potentiel pour l'optoélectronique. C'est le cas des chaines de phosphorène que les chercheurs fabriquent ici pour la première fois de façon contrôlée et reproductible par épitaxie par jet moléculaire sur une surface cristalline d'argent.

A l'instar du graphène pour le carbone, le phosphorène correspond à une ou plusieurs couches cristallines empilées d'atomes de phosphore qui s'obtiennent notamment par exfoliation et qui possèdent des caractéristiques intéressantes pour les nanodispositifs électroniques. Sous forme de phosphore dit noir, c'est un semiconducteur, dont les propriétés sont modulables avec le nombre de couches. Obtenir ces matériaux bidimensionnels en rubans ou en chaines révèle encore d'autres propriétés. Plusieurs méthodes dites top-down, c'est-à-dire partant de phosphore cristallin, ont tenté de produire des nanorubans de phosphore, notamment par des méthodes électrochimiques ou lithographiques, mais n'ont pas réussi à contrôler la fabrication de rubans étroits. Dans cette étude, une collaboration de physiciens de l'Institut des sciences moléculaires d'Orsay (ISMO, CNRS/Univ. Paris-Saclay), du Service de physique de l'état condensé (SPEC, CEA/CNRS) et du synchrotron SOLEIL, en collaboration avec une équipe de l’Université Centrale de Floride, a réussi pour la première fois à contrôler la synthèse de chaines de phosphorène déposées sur un substrat d’argent grâce à une méthode dite bottom-up, c'est-à-dire partant des atomes de phosphore, appelé épitaxie par jet moléculaire. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communication.

Pour former ces chaines, les chercheurs ont évaporé sous ultravide des atomes de phosphore sur une face (111) d'un cristal d’argent. Ils ont identifié les structures atomique et électronique des atomes déposés sur la surface en utilisant une combinaison de plusieurs techniques, la microscopie et spectroscopie à effet tunnel (STM-STS), la diffraction d’électrons lents (LEED), la spectroscopie de photoélectrons (PES) et la spectroscopie de photoémission résolue en angle (ARPES). Ils ont ainsi caractérisé les chaînes obtenues avec pour la structure atomique un ruban de deux atomes de largeur positionnés en forme de « chaise » correspondant à la structure du phosphorène noir, et pour la structure électronique, un caractère semiconducteur avec une bande interdite intrinsèque de 1,8 eV. Des calculs dans le cadre de la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT) ont validé les résultats expérimentaux, montrant que le caractère semiconducteur des chaines venait de la passivation des atomes de phosphore par la surface d’argent. Par ailleurs, l’image STM simulée à l'aide de cette théorie est en très bon accord avec l’image expérimentale (figure).

Images STM simulée et mesurée des chaines de phosphorène. Figure obtenue par la méthode ARPES après dépôt des chaines de phosphorène montrant la structure de bande électronique (énergie de liaison des électrons en fonction de leur impulsion représentée par le vecteur d'onde). L'existence d'une bande interdite est soulignée par le trait rouge qui suit le haut de la bande de valence, située à environ -1.5 eV, le bas de la bande de conduction (non détecté par cette méthode) se situant à +0.3 eV.

Référence

Flat epitaxial quasi-1D phosphorene chains. W. Zhang, H. Enriquez, Y. Tong, A. J. Mayne, A. Bendounan, A. Smogunov, Y. J. Dappe, A. Kara, G. Dujardin, and H. Oughaddou,
Nature Communications, 12, 5160 (2021), paru le 27 Aout 2021.
DOI: 10.1038/s41467-021-25262-7
Texte disponible sur les bases d'archives ouvertes HAL.

Contact :

Hamid Oughaddou, Professeur à CY Cergy Paris Université à l'Institut des sciences moléculaires d'Orsay (ISMO)