A la recherche de failles dans le modèle standard en scrutant des désintégrations du quark b

Distinction

Marie-Hélène Schune, chercheuse en physique des particules, médaillée d’argent du CNRS en 2019, vient de se voir décerner une prestigieuse bourse européenne « ERC Advanced Grant » pour partir à la recherche des failles du Modèle Standard, le modèle qui donne aujourd’hui la meilleure explication théorique du monde de l’infiniment petit.

Financé sur les 5 prochaines années, ce programme expérimental mené par Marie-Hélène Schune et son équipe du Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie – IJCLab (CNRS/Univ. Paris-Saclay) utilisera les données du détecteur LHCb au CERN, celles déjà disponibles et celles qui seront enregistrées dans les années à venir.

Aujourd'hui, la physique des particules se trouve dans une situation inhabituelle. Le modèle standard, qui explique théoriquement comment agissent les particules de matière, et les interactions des éléments fondamentaux de la nature, est capable de décrire avec précision un très grand nombre de mesures précises. Mais il n'est pas en mesure de répondre aux questions clés soulevées par les observations cosmologiques : Qu’est-ce que la matière noire ? Quelle est la source de la grande asymétrie matière-antimatière ? etc.

Nous savons que quelque chose d'autre, une « nouvelle physique », devrait exister mais nous ne savons pas où celle-ci se manifestera. Il n'y a plus de lignes directrices théoriques claires, par conséquent la balle est maintenant du côté de l'expérience pour rechercher des signes de cette « nouvelle physique » non-conforme au modèle standard. De nombreuses expériences sont en cours dans ce but. La première méthode, qui vise la production directe de nouvelles particules, dépend d’un ingrédient clé : la quantité d’énergie disponible lors de la collision. Mais malgré l’énorme énergie accessible au LHC (Large Hadron Collider) basé au CERN à Genève, et qui a permis la découverte du Boson de Higgs en 2012, aucun signe de particules nouvelles n’a été trouvé depuis.

Le projet « Chiaroscuro » de Marie-Hélène Schune explore une deuxième méthode. Il vise à se concentrer sur des recherches indirectes, c’est-à-dire qui reposent sur la nature quantique des particules et qui sondent des échelles d'énergie plus élevées. Le but est d’étudier plus particulièrement les désintégrations des quarks b, par lequel un quark b est transformé en un quark s (ou d) et une paire d’électrons (ou de muons). Scruter la manière dont les particules sont émises (leurs distributions angulaires) est en effet une technique particulièrement prometteuse pour questionner une des prédictions du Modèle Standard. Celui-ci prévoit en effet l’universalité du couplage leptonique, autrement dit le fait que les électrons et les muons se comportent de façon identique.

L'objectif du projet est de clarifier définitivement la situation et de répondre à la question des couplages des particules de cette « nouvelle physique » pour les deux premières familles de particules du Modèle Standard. Le résultat du projet façonnera la construction de théories au-delà du Modèle Standard. Le projet utilisera le détecteur LHCb du CERN pour bénéficier de l'énorme taux de production de hadrons (particules composites, composées de particules subatomiques régies par l'interaction forte telles que les protons ou les neutrons) contenant un quark b. Afin de faire face aux conditions de prise de données de plus en plus exigeantes, le projet développera des techniques innovantes de reconstruction et d'étalonnage précis du calorimètre électromagnétique de LHCb.

Le détecteur LHCb dans sa nouvelle configuration, qui sera mis en service en 2022 : on voit en particulier le calorimètre électromagnétique (ECAL) qui est indispensable à l’identification des électrons et donc au projet CHIAROSCURO. © CERN