Le vide est plein de surprises

Résultat scientifique

Le vide serait-il mal nommé ? La théorie de l’électrodynamique quantique, largement acceptée, décrit le vide comme rempli de paires d’électrons et de positrons, leur opposé en antimatière, qui apparaissent et disparaissent spontanément. Le projet DeLLight, mené au sein d'IJCLab à Orsay, va tester les limites de cette théorie en faisant dévier la lumière par le vide et révéler ses secrets.

Le vide n’est pas une absence totale de matière, mais un espace dans lequel sont créés des paires d’électrons et de positrons, qui se détruisent mutuellement quasi instantanément.  Si cette théorie, dite de l’électrodynamique quantique, est largement acceptée, il reste de nombreux points à éclaircir. L’un d’eux, prédit par des travaux théoriques en 1936, est qu’appliquer un champ électromagnétique intense au vide permettrait de ralentir la lumière et la dévier. Près de 90 ans plus tard, le projet DeLLight, mené par Xavier Sarazin, directeur de recherche CNRS, et son équipe au Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie1 va tenter de tester cette prédiction encore jamais observée. Ses travaux sont financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.

Un laser intense pour dévier la lumière par la lumière

Plusieurs travaux ont déjà démontré qu’en appliquant un champ électromagnétique, il était possible d’augmenter la déviation de la lumière qui passe à travers un composé ou un milieu. Cependant, « il est très complexe d’observer cet effet pour le vide, car cela nécessiterait un champ magnétique bien plus intense que ce dont nous sommes actuellement capables de produire » nous explique le chercheur.

Pour autant, le projet DeLLight devrait être capable d’observer cet effet surprenant. En utilisant un laser pour émettre une impulsion lumineuse très courte et très intense, de l’ordre de la centaine de Terawatt, il est possible de créer un champ électromagnétique intense sur une zone très petite. Ce champ est cependant loin d’être suffisant pour dévier la lumière de manière facilement détectable, car la lumière serait déviée de la taille d’un atome d’hydrogène, soit 10-10m, après une distance parcourue d’un kilomètre.

Amplification de la déviation : nouvelles techniques et avancée des travaux

C’est là qu’intervient l’interféromètre de Sagnac. Cet appareil sera utilisé pour faire interagir deux faisceaux lumineux, dont l’un aura été dévié par l’impulsion laser. Cette interaction permettra d’amplifier l’effet du laser par 250, et d’augmenter la déviation à un centième de nanomètre sur une distance beaucoup plus courte, proche de la sortie de l’interféromètre.

Cette déviation, bien que très supérieure à celle sans utilisation de l’interféromètre, ne peut pas être captée directement par les caméras actuelles, dont la résolution est de 10 nanomètres, 1000 fois plus que celle souhaitée. Les chercheurs contourneront ce problème technique en multipliant le nombre de captures d’images. En effet, « avec un très grand nombre de mesures, il sera possible de dégager une puissance statistique suffisamment importante pour mettre en évidence la déviation » nous détaille Xavier Sarazin.

À l’heure actuelle, les chercheurs ont déjà démontré l’efficacité de l’interféromètre en déviant la lumière par la lumière dans l’air. L’équipe continue d’améliorer la sensibilité de la mesure, notamment en essayant de réduire la zone d’interaction de la lumière et du laser afin de condenser encore plus les énergies impliquées.

Ces travaux permettront de révéler une partie des secrets cachés dans les recoins du vide, de mieux comprendre cet étrange « milieu » décrit par l’électrodynamique quantique, et d’en tester les propriétés et les théories qui le régissent.

  • 1IJCLab – CNRS / Université Paris-Saclay / Université Paris-Cité à Orsay