Les plateformes de recherche poursuivent leur ouverture vers l'industrie

Après le lancement d'un dispositif pilote début 2022, le CNRS renouvelle l’appel à projets visant à encourager l'ouverture à l'industrie des plateformes de recherche des laboratoires dont le CNRS assure une tutelle. Deux plateformes lauréates de l'IJCLAB et de l'ILM témoignent de leur expérience.

Au printemps 2022, la Direction générale déléguée à l'innovation a lancé le dispositif pilote « Plateformes 2022 » , pour favoriser l'ouverture des plateformes de recherche aux partenaires industriels et accroître le nombre effectif de partenariats industriels et de transferts de connaissances scientifiques vers le monde socio-économique.

Six lauréats ont été sélectionnés pour une quinzaine de projets d'ouverture proposés par les instituts du CNRS. Au vu de la qualité des projets soumis et du potentiel d'ouverture d'un nombre plus important de plateformes, le CNRS a décidé de renouveler ce dispositif.

Le lancement de la seconde édition de l'appel « Plateformes 2022 » vise cette fois à sélectionner une dizaine de plateformes issues d'unités de recherche sous tutelle du CNRS1 .

Les plateformes lauréates sont choisies en fonction de la viabilité et de l'ambition de leur projet vers une plus grande ouverture. Elles recevront une dotation financière pouvant aller jusqu'à 100 000 € (couvrant les dépenses en matière d'équipement, de fonctionnement et de besoins en ressources humaines complémentaires) et bénéficieront de l'octroi d'un poste d'ingénieur-transfert financé par le CNRS, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de 3 ans.

 

Deux plateformes de recherche lauréates du premier appel à projets témoignent de leur expérience.

Entretien avec Souleymane Kamara, responsable valorisation de la recherche et innovation du Laboratoire de physique des 2 infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab)2 et co-porteur du projet « X-Space Alto » de la plateforme de recherche Alto (Accélérateur linéaire et tandem à Orsay) de l’IJCLab. Alto a pour mission de produire des faisceaux de particules pour mener des travaux de recherche fondamentale en physique nucléaire, en physique des astroparticules, en radiochimie, en astrophysique, et dans le domaine de la santé.

Quelles ont été jusqu'ici les collaborations industrielles de la plateforme Alto ?

Depuis la création de l'IJCLab en 2020, par fusion de cinq laboratoires, un service de valorisation a pour mission de faciliter les partenariats avec des industriels. Nous avons ainsi réalisé des collaborations dans le secteur spatial, sur l'étude du vieillissement de composants électroniques soumis à des rayonnements. Mais cela restait assez limité, faute de disposer d'équipements adaptés aux exigences des industriels. Il nous manquait aussi un responsable à plein temps pour développer et gérer les relations avec les entreprises.

Pourquoi avez-vous décidé de répondre à l'appel à projets «Plateforme 2022» ?

L'accompagnement proposé correspondait parfaitement à nos besoins. La dotation financière nous permettrait d'acquérir ou de développer les équipements expérimentaux qui faisaient défauts, tels certains systèmes de porte échantillons ou des moyens de mesure dosimétrique. Mais aussi -et surtout- avec le financement pour trois ans d'un poste d'ingénieur-transfert, nous pourrions lancer véritablement une stratégie de développement de partenariats industriels. Y compris en diversifiant les collaborations vers d'autres secteurs comme l'automobile, le photovoltaïque, la santé et l'agroalimentaire.

Comment a démarré l'accompagnement par la Direction générale déléguée à l'innovation (DGDI) du CNRS ?

Juste après la notification de sélection du projet, la DGDI nous a envoyé des documents de cadrage et d’information sur les modalités financière et administrative pour le recrutement des ingénieurs-transfert. Nous avons établi le profil de l'ingénieur-transfert que nous recherchons, avec une double compétence en physique et en marketing/communication, et nous avons défini le périmètre de ses activités. Le recrutement devrait se conclure à l'automne prochain. Quant à la dotation financière, elle va servir à développer les nouveaux équipements et permettra aussi de financer des missions de l'ingénieur-transfert, dans des colloques ou des salons professionnels en France et en Europe, afin de présenter l'offre de la plateforme Alto. Nous bénéficierons également d’une « formation de managers» pour accompagner le programme de déploiement des ingénieurs-transfert au CNRS.

La réponse à l'appel d'offre a-t-elle représenté un effort important ?

C'est un exercice intéressant, mais qui demande un travail. Notamment pour le business model - une démarche inhabituelle pour des chercheurs, mais indispensable si l'on veut s'adresser à des industriels et pour la présentation du projet à élaborer impérativement sous forme de ''slides'', en phase de pré-sélection, qui oblige ainsi à rester synthétique et accessible sur le plan scientifique et technologique. J'ajouterais que cet effort se poursuit maintenant à travers des échanges réguliers et suivis avec la DGDI.

 

Entretien avec Philippe Dugourd, directeur de recherche CNRS et directeur de l’Institut lumière matière (ILM)3 qui dispose d’une plateforme scientifique et technologique, ILMTech, dédiée à la synthèse et à la caractérisation de la matière et dont la vocation est d'accélérer les coopérations avec l’industrie et les partenaires académiques afin de créer une véritable dynamique autour de l’innovation.

Quelles ont été jusqu'ici les collaborations industrielles de la plateforme ILMTech ?

Depuis six ans la plateforme ILMTech joue un rôle de passerelle entre l'ILM et le monde industriel, avec des collaborations dans les domaines de la santé, des matériaux innovants, de l'énergie et de l'environnement, mais aussi sur des sujets touchant aux matières molles, telles que des tissus biologiques ou l'écoulement de pâtes industrielles. L'ILMTech a la particularité d'être une plateforme très intriquée avec le laboratoire proprement dit, ce qui lui permet de bénéficier des technologies de pointe développées au sein des équipes de recherche.

Pourquoi avez-vous décidé de répondre à l'appel à projets ''Plateforme 2022'' ?

Nous avions entamé une réflexion sur le développement de notre plateforme, axe stratégique de notre laboratoire: comment développer nos ressources, mais aussi les liens avec les industriels, et plus généralement la communication autour de nos moyens et nos compétences ? L'appel à projets «Plateformes 2022» répondait à ces préoccupations, mais aussi à notre objectif de formalisation de notre offre. Nous souhaitions en effet mettre en place une véritable stratégie marketing et commerciale, en développant notamment une approche filière dans des domaines porteurs comme la santé et l'environnement, ou encore le luxe (cristaux de synthèse, dispositifs anti-contrefaçon, tissus innovants...).

Comment a démarré l'accompagnement par la direction générale déléguée à l'innovation (DGDI) du CNRS ?

Nous avons lancé la procédure de recrutement d'un ingénieur-transfert, qui sera un véritable «business developper», doté de compétences techniques, avec une formation ou une expérience en marketing et commercial. C'est un poste clé pour mettre en œuvre notre stratégie de développement de l'activité d'ILMTech. Grâce à l'autre volet de l'accompagnement, le soutien financier, nous allons créer une salle dédiée aux méthodes optiques de caractérisation des matériaux, sur lesquelles la demande est croissante, en réunissant les équipements existants et en achetant quelques instruments complémentaires. La dotation financière sera également utilisée pour recruter un assistant ingénieur dédié aux prestations réalisées par la plateforme pour les industriels.

La réponse à l'appel d'offre a-t-elle représenté un effort important ?

La rédaction du dossier a mobilisé le comité de pilotage d'ILMTech (5 ingénieurs et un responsable opérationnel), en lien avec la directrice adjointe de l'ILM, chargée de la valorisation. Ce travail, effectué en concertation avec l'Institut de physique du CNRS, le service Partenariats et valorisation de la délégation régionale, mais aussi la Société d'accélération du transfert de technologies, a nécessité du temps mais nous a permis de réaliser un état des lieux de la plateforme, et nous a amené à préciser ses objectifs de développement. Nous avons également travaillé avec le bureau scientifique de l'ILM, et pu ainsi constater l’accueil très favorable au sein de l'institut : la valorisation des recherches fait désormais partie des préoccupations des chercheurs.

  • 1Chaque candidature doit être approuvée et soutenue par l'institut de tutelle du laboratoire. Les unités de recherche intéressées par une candidature sont donc invitées à se rapprocher du pôle innovation et valorisation de leur institut de tutelle afin d'être accompagnées au mieux dans leurs démarches. Détail des modalités pour candidater : Seconde édition - Appel Plateformes 2022 (shorturl.at/cegl4)
  • 2CNRS/Université Paris Saclay
  • 3CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1