Un métier qui ne manque pas de souffle

Portrait

Charlotte Louis est souffleuse de verre au CNRS. Dans son atelier situé sur le campus CNRS de Gif-sur-Yvette, elle met à profit son savoir-faire unique au service de la communauté scientifique CNRS de Paris-Saclay.

Retrouver la vidéo d’Explore Media consacrée au travail de Charlotte Louis, diffusée en décembre 2021 : "Souffleur de verre : un métier essentiel à la science".

Au service technique et logistique de la délégation CNRS Ile-de-France Gif-sur-Yvette, le bruit d’une scie à diamant résonne, et une odeur étrange s’échappe d’un atelier, au premier étage du grand entrepôt. « L’odeur est provoquée par l’échauffement du verre » précise Charlotte Louis, souffleuse de verre au CNRS. C’est ici que se situe son atelier de verrerie scientifique. Sur les étagères, des pièces imposantes de verrerie sont exposées, surplombant des cartons remplis de celles qui attendent d’être réparées. A sa table, l’outil dans une main, sa pièce dans l’autre, la souffleuse de verre fait tourner le ballon en réparation dans la flamme du chalumeau. Elle en chauffe le rodage cassé, qu’elle retire, enlève le verre en excès grâce à son pontile – tige en verre à laquelle le verre chaud s’accroche - et soude un rodage neuf. L’opération, pour cette pièce considérée comme « basique », aura duré moins de dix minutes. Un processus simple à première vue, mais qui fait presque oublier la minutie nécessaire à ce geste, puisque les souffleurs de verrerie scientifique travaillent avec une précision d’un millimètre. Le tour de main s’est construit sur la base d’années de pratique : « A force d’en faire, on sait quelle quantité de verre il faut fondre, à quelle température, combien de temps il faut rester dans la flamme : tout se forge avec l’expérience. »

Charlotte Louis est sortie de sa formation de soufflage de verrerie scientifique en 1992, et est arrivée au CNRS il y a une quinzaine d’années. Dans son atelier, elle travaille principalement le verre borosilicaté, plus connu sous le nom de Pyrex. Les propriétés de ce verre le rendent plus résistants aux chocs thermiques que le verre « classique », et c’est celui qui est le plus courant dans les laboratoires de chimie.

Le ballon est maintenant comme neuf, et en guise de touche finale, Charlotte Louis passe l’intégralité de sa pièce au chalumeau avant de la laisser refroidir sur un support en bois. « L’écart de température de chauffe aux différents endroits de la pièce provoque des tensions, et c’est ce qui engendre les cassures. Livrer une pièce qui contient encore des tensions est dangereux, notamment si l’expérience se fait sous vide : la pièce peut exploser ou laisser s'échapper des solvants potentiellement nocifs. » Pour éliminer tout risque, la pièce doit systématiquement être recuite au four de façon homogène pour supprimer ses tensions et garantir sa solidité

Le verre est un matériau magique.
Charlotte Louis, à sa table, réchauffe sa pièce pour la stabiliser une première fois avant de la passer au four pour la nuit. © Marion Barbé

Un savoir-faire unique au service de la recherche

« Le verre est un matériau magique : c’est une matière qui tient longtemps, qu’on peut réutiliser, recycler, transformer, refondre… pas à l’infini, mais l’investissement reste vraiment intéressant. ». A moindre coût, la souffleuse de verre prolonge la durée de vie de ces objets grâce à ses réparations, mais pas seulement.

Quand elle ne répare pas des pièces, elle en fabrique pour les laboratoires de la circonscription, et celles-ci sont le fruit d’une collaboration, d’un échange entre elle et les chercheurs. Dans le cadre de leurs dispositifs expérimentaux, ils ont souvent besoin de pièces spécifiques qu’ils ne peuvent pas trouver dans des catalogues classiques. Qu’ils viennent avec une idée précise en tête, ou pour demander conseil, ils verront avec la souffleuse de verre ce qu’elle peut produire dans son atelier, ou ce qui nécessitera un prestataire. Auquel cas, elle servira d’intermédiaire pour les commandes. « Je suis support à la recherche. Je pense que le chercheur a autre chose à faire que de trouver des fournisseurs : pour leurs besoins en verrerie, il ne faut pas qu’ils hésitent à me contacter. » Pour ces commandes, il s’agit de faire des schémas techniques, de connaitre les normes internationales pour voir ce qui est réalisable, car « même si le verre offre beaucoup de possibilités, on ne peut pas tout faire. ». Son savoir-faire est donc d’une aide précieuse à la recherche, par sa proximité avec les chercheurs.

De par leur savoir-faire, les souffleurs de verre apportent une véritable valeur ajoutée à la communauté scientifique. Charlotte Louis ne s’inquiète pas pour l’avenir de cette profession essentielle, que le CNRS cherche à valoriser. « Trois emplois ont été ouverts à concours cette année à Lille, à Nancy et à Nantes. On se rend de nouveau compte que dans un laboratoire de recherche, un souffleur de verre, c’est important. ».

Les tubes de verre servent de matière première pour la production de verrerie scientifique. En les chauffant, il est possible de les souffler ou de les souder à d’autres pièces (robinets, joints étanches, etc.) © Marion Barbé
Pour la souffleuse, il est essentiel de porter des lunettes filtrantes. Sans elles, les vapeurs qui s'échappent du verre empêchent de voir la pièce. L'exposition répétée et prolongée à la lumière vive est aussi très mauvaise pour les yeux. © Marion Barbé
En soufflant, la souffleuse de verre doit faire attention à ce que la forme soit régulière, et que l'épaisseur des parois reste homogène. © Marion Barbé
Il est possible de tenir le verre à mains nu, même relativement près de la flamme, car il ne conduit pas la chaleur. Le verre borosilicaté est travaillé entre 800 et 1000°C. © Marion Barbé
Le chalumeau possède plusieurs embouts, qui permettent d’adapter la flamme à la pièce travaillée et à la transformation que la souffleuse cherche à lui appliquer. L'intensité de la flamme est gérée en modifiant le taux d'oxygène et l'arrivée de gaz. © Marion Barbé
Le tour est un outil utilisé pour certaines pièces qui nécessitent les deux mains de la souffleuse, ou qui sont complexes à tenir sans se brûler. © Marion Barbé
Toute pièce fabriquée ou réparée doit passer une nuit dans un four, pour éviter les tensions dans le verre qui peuvent fragiliser la pièce, ou entraver son étanchéité. Le verre va recuire uniformément, puis refroidir très progressivement.© Marion Barbé

Contact

Charlotte Louis, ingénieure technicienne, Campus CNRS de Gif-sur-Yvette, Avenue de la Terrasse - Bâtiment 17 | 01 69 82 40 32 | charlotte.louis@dr4.cnrs.fr

 

 

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