Un microscope de pointe en Île-de-France pour visualiser l’activité cérébrale

Biologie

Les atteintes du système nerveux central sont associées à des pathologies sévères. Dès lors, une meilleure compréhension des mécanismes neuraux impliqués dans ces maladies représente un enjeu de santé majeur. Pour y répondre, l’Institut des neurosciences Paris-Saclay vient de faire l’acquisition d’un équipement de pointe unique en Ile-de-France qui permettra aux scientifiques d’observer et de manipuler l’activité de neurones individuels chez des animaux engagés dans une tâche cérébrale.  

L’enregistrement et le contrôle expérimental de l’activité d’assemblées de neurones a conduit à de grandes avancées dans la compréhension du fonctionnement cérébral. Ceci est d’autant plus vrai lorsque ces méthodes sont mises en œuvre en situation de comportement, puisque les causalités entre dynamiques neurales et fonctions cérébrales peuvent alors être identifiées.

Pour répondre à ce besoin d’étudier le cerveau en action, et alors que peu d’outils le permettant sont disponibles pour les scientifiques, l’Institut des neurosciences Paris-Saclay (NeuroPSI1 ) vient d’acquérir un nouvel instrument de pointe, dans le cadre du projet BeAM2 . Il permettra de faire progresser la recherche sur le cerveau ; et plus particulièrement dans la compréhension de plusieurs maladies psychiatriques ou encore des interfaces cerveau-machine.

« Le laboratoire a acquis un microscope biphoton bidirectionnel de pointe qui permet l’imagerie à haute résolution, in vivo, chez l’animal en situation de comportement », résume Glenn Dallérac, porteur du projet BeAM avec Luc Estebanez, tous deux chargés de recherche CNRS à NeuroPSI. L’équipement présente de multiples avantages dont celui d’être basé sur la technologie des déflecteur acousto-optiques, et offre ainsi un balayage ultra-rapide du cerveau, le tout en trois dimensions. Il permet également de faire de l’optogénétique : une technique qui sert à activer ou désactiver des neurones spécifiques grâce à une stimulation lumineuse.

Ce microscope sera ainsi notamment utilisé pour explorer la problématique des interfaces cerveau-machine. L’un des projets de Luc Estebanez est justement d’étudier « s’il est possible de combiner dans une même zone corticale des neurones dont l’activité sert à piloter un artéfact - tel qu’un bras ou un simple curseur - pour résoudre une tâche, avec des neurones qui vont recevoir en retour des informations concernant l’état de cet artefact, comme, par exemple, sa position ».

Cela permettra de définir, pour la résolution d’une tâche, quelles sont les architectures optimales des neurones qui servent à la lecture et à l’écriture d’informations. Un travail qui viendra enrichir le projet, auquel prend part Luc Estebanez, de développement d’une prothèse de membre supérieur contrôlée par l’activité neuronale du cortex moteur via une interface cerveau-machine sensori-motrice.

Le projet de Glenn Dallérac se concentrera quant à lui sur les astrocytes, des cellules gliales du système nerveux central qui contrôlent les activités neuronales par libération de molécules neuroactives.

En effet, plusieurs maladies psychiatriques, dont la schizophrénie ou la dépression, sont associées à un manque de dopamine, qui est une molécule neuromodulatrice, dans le cortex préfrontal. « Nous avons récemment montré que les astrocytes contrôlent les niveaux de dopamine dans cette partie du cerveau, précise le chercheur. Cependant, leur implication dans les déficits de dopamine préfrontale reste inconnue. »

L’utilisation du nouveau microscope permettra de visualiser à la fois l’activation des astrocytes et la libération de dopamine pendant le comportement. Ces recherches visent donc « à fournir la preuve de concept selon laquelle le manque de dopamine du cortex préfrontal associé aux troubles psychiatriques peut être corrigé par une production astrocytaire de dopamine et offrir ainsi une nouvelle voie de développement thérapeutique contre ces maladies invalidantes », résume Glenn Dallérac.

Plus globalement, l’équipement permettra de tendre à une meilleure compréhension du fonctionnement du cerveau et du code neural qui permet aux substrats moléculaires et cellulaires du cerveau de générer ses fonctions très spécifiques, telles que le traitement en ligne de l’information, l’apprentissage et la mémoire.

Ce microscope biphoton a été livré cet été à NeuroPSI, et des formations pour l’utiliser ont déjà eu lieu. L’équipement a été financé aux deux-tiers par la Région Île-de-France grâce à l’appel à projet SESAME, et par le CNRS pour l’autre tiers. Une telle installation est pour l’heure unique sur le plateau de Saclay, avec notamment un microscope multi-tête conçu spécifiquement pour le fonctionnement mutualisé au sein d’une plateforme dédiée à la recherche sur l’animal en comportement. Ainsi, cet équipement bénéficiera à l’ensemble des équipes de NeuroPSI, mais également plus largement aux neuroscientifiques du territoire de Paris-Saclay et d’Île-de-France, et est également accessible aux industriels.

  • 1CNRS/Université Paris-Saclay
  • 2Behavioral Analysis under Multiphoton imaging