Comment le mildiou de la vigne a envahi les vignobles : retour sur son voyage depuis l’Amérique du Nord

Communiqué de presse Terre et environnement

Plasmopara viticola, l’agent responsable du mildiou de la vigne, provoque de nombreuses épidémies dans les vignobles français, causant par ailleurs d’importantes pertes pour les viticulteurs. Si les déterminants biologiques de la maladie sont bien connus, comme son mode de reproduction, on ne sait presque rien sur son histoire. Comment ce pathogène originaire d’Amérique du Nord a-t-il envahi le monde ?

Des scientifiques d’INRAE ont travaillé en collaboration avec le laboratoire Ecologie Systématique et Evolution - ESE (CNRS/Univ. Paris-Saclay) et l’Université de Groningen (Pays-Bas) pour comprendre le processus de cette propagation. Leurs travaux, parus le 25 mars dans Current Biology, en donnent les clés. Une meilleure compréhension de son histoire, et donc de son évolution, est un levier pour lutter contre ce parasite source de la majorité des traitements fongicides sur la vigne.

© INRAE

Il existe plusieurs espèces de vigne, mais aussi plusieurs espèces de champignon causant le mildiou de la vigne, chacune s’adaptant à son hôte, ce qui complexifie la compréhension de l’histoire du champignon et de son arrivée en Europe. C’est en 1878 que le mildiou a été détecté en France pour la première fois. Quelle espèce de mildiou fut l’émissaire à l’origine de l’invasion de l’Europe ? S’agit-il d’une ou de plusieurs espèces ?

 

Sur la piste du mildiou en Europe

Les chercheurs ont utilisé une approche multidisciplinaire pour répondre à ces questions, et ont découvert que la première contamination de la vigne en Europe a eu lieu il y a 150 ans, à partir d’une seule espèce de mildiou : celle infectant la vigne sauvage Vitis aestivalis. Les scientifiques ont alors remonté la piste pour comprendre comment elle est parvenue à infecter les vignobles français. Leur étude suggère que l’introduction du pathogène a eu lieu lors de l’importation des vignes américaines sauvages pour lutter contre l’oïdium et le phylloxéra1 . En effet la France, touchée en premier par le phylloxera, a intensifié l’innovation variétale en incorporant des résistances aux maladies provenant des vignes sauvages américaines dans la vigne cultivée (V. vinifera). A leur tour, les vignes cultivées européennes ont ensuite servi de source à l’introduction de la maladie dans les vignobles du monde entier.

A partir du 19ème siècle, les vignobles modernes qui se créent à travers le monde prennent pour modèle la France. Le pays exporte alors ses hybrides et ses porte-greffes résistants au phylloxera, notamment les cépages européens issus des régions les plus renommées de l'époque (Cabernet, Merlot, Chardonnay, Syrah, etc.). Et c’est avec ce commerce international que le mildiou de la vigne se serait répandu.

Ces travaux scientifiques apportent des connaissances nouvelles sur le mildiou de la vigne, notamment sur sa propagation dans le monde. Ils mettent en lumière l’importance de la réglementation sur le transport international du matériel végétal, pour éviter que d’autres espèces du mildiou ne soient introduites dans nos vignobles.

 

Bibliographie

Europe as a bridgehead in the worldwide invasion history of grapevine downy mildew, Plasmopara viticola
Michael C. Fontaine, Frédéric Labbé, Yann Dussert, Laurent Delière, Sylvie Richart-Cervera, Tatiana Giraud, François Delmotte
Current Biology, 25 mars 2021 - DOI:https://doi.org/10.1016/j.cub.2021.03.009

  • 1Insecte ravageur des vignes commerciales du monde entier, originaire de l'est de l'Amérique du Nord.

Contact :

Tatiana Giraud, chercheuse CNRS au laboratoire ESE