Espèces envahissantes : une catastrophe écologique et économique

Terre et environnement

Deuxième cause d'extinction d'espèces sur Terre, les invasions biologiques font également payer un lourd tribut à notre santé et à notre économie. Décryptage suite au congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature qui s'est tenu du 3 au 11 septembre à Marseille.

Qu'est-ce qui met en péril la biodiversité de la planète au point d'être la seconde cause d'extinction d'espèces après la destruction et la dégradation des habitats ? Surprise, ce n'est ni le réchauffement climatique, ni la pollution, ni la surexploitation des ressources... mais les invasions biologiques. Derrière ce terme se cachent des dizaines de milliers d'espèces en tout genre (plantes, animaux, champignons, microbes) et de tout milieu, terrestre comme aquatique, déplacées, volontairement ou non, par les activités humaines hors de leur région d'origine. Quand ils arrivent dans de nouveaux environnements, ces envahisseurs peuvent y faire des ravages, entrant en compétition avec les espèces locales pour s'approprier les ressources, devenant de redoutables prédateurs ou modifiant complètement les écosystèmes.

Un phénomène en expansion

Un exemple : l'énorme perche carnivore du Nil, introduite dans les années 1950 pour la pêche dans le lac Victoria, a en quelques décennies fait disparaître ou menacé d'extinction 200 des 300 espèces de petits poissons cichlidés du lac. Et comme en plus ces cichlidés étaient herbivores, détritivores ou insectivores, c’est l’écosystème entier qui a été bouleversé. Autre illustration : le miconia, un arbre originaire d'Amérique du Sud, apporté accidentellement sur de nombreuses îles du Pacifique dans de la terre « contaminée » et par des engins de chantier, a envahi les deux tiers de Tahiti. Formant des fourrés denses empêchant les autres plantes d'accéder à la lumière, il menace aujourd’hui près de 70 espèces endémiques de l'île française.

Le miconia, une espèce d'arbre originaire des forêts tropicales d'Amérique latine, déploie ses fourrés denses autour du lac Vaihiria à Tahiti, en Polynésie française. Crédit : Eloise Killgore

Cela fait bien longtemps que les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme sur la menace que représentent les invasions biologiques pour la biodiversité mondiale. Le phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il risque de s'aggraver encore dans le futur avec l'accélération du commerce international et du tourisme, les deux principaux vecteurs de transport des espèces exotiques.

« Malheureusement, force est de reconnaître que la prise de conscience du problème par le public et les décideurs est encore très insuffisante, souligne Franck Courchamp, du laboratoire Écologie, systématique et évolution - ESE (CNRS/UPSaclay/AgroParisTech). Le cadre réglementaire et sa mise en œuvre restent trop limités pour ralentir efficacement le flux des introductions d'espèces. Par exemple, seules 66 espèces exotiques envahissantes sont inscrites sur la liste des espèces préoccupantes par l'Union européenne alors qu'on estime leur présence entre 4 000 et 5 000 en Europe ».
« Avec l'augmentation des températures, les espèces envahissantes vont pouvoir conquérir de nouveaux territoires, explique Céline Bellard, du laboratoire ESE. C'est déjà le cas en Europe, par exemple, où certaines espèces – le frelon asiatique ou encore le moustique tigre – remontent de plus en plus vers le nord. Qui plus est, les événements climatiques extrêmes fragilisent les populations locales et favorisent les espèces exotiques, plus aptes à faire face à ce stress. »

Invasions biologiques : Comment lutter contre les espèces qui menacent l'équilibre des écosystèmes ?

[PodLab' Paris-Saclay]

Qu’est-ce qu’une invasion biologique ? Comment les espèces invasives sont-elles étudiées ? Comment un chercheur travaille-t-il sur ce sujet, et comment appréhende-t-il l’impact de ses recherches sur la société ? Réponses avec Franck Courchamp, chercheur en écologie et directeur de recherche CNRS au laboratoire Ecologie, systématique et évolution – ESE (CNRS/UP-Saclay/AgroParisTech) à Orsay.

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Contact :

Franck Courchamp, chercheur CNRS au laboratoire ESE