Explorer les frontières théoriques d’interaction lumière-matière avec des lasers 1000 fois plus intenses

À des intensités lumineuses très élevées, la théorie d’interaction lumière-matière prédit des phénomènes étonnants comme la création de matière dans le vide. Adrien Leblanc, chargé de recherche CNRS au LOA et lauréat 2022 d’une bourse ERC « Starting », développe des « miroirs plasmas » afin de concentrer des impulsions lasers à des intensités jamais atteintes pour approcher de ces conditions hors normes.

Les lasers les plus puissants au monde produisent aujourd’hui des impulsions lumineuses de plusieurs Pétawatt, l’équivalent en puissance d’un million de réacteurs de centrales nucléaires, mais sur une durée extrêmement réduite. Adrien Leblanc, chargé de recherche CNRS au Laboratoire d’optique appliquée1 à Palaiseau, développe actuellement une technique qui va permettre de concentrer cette énergie lumineuse encore mille fois plus intensément.

Ainsi, il serait possible de repousser les limites d’expérimentation de la théorie de l’électrodynamique quantique, qui décrit les interactions entre la lumière et la matière. Adrien Leblanc vient d’être lauréat 2022 d’une bourse ERC « Starting » dans le cadre du programme Horizon Europe pour ces travaux. Le soutien financier de cette distinction prestigieuse aide les jeunes chercheurs en sortie de thèse à lancer leurs projets, former leurs équipes et poursuivre leurs idées les plus prometteuses.

Considérée comme l’une des théories physiques les plus précises, l’électrodynamique quantique prédit des phénomènes étonnants comme la création de matière dans le vide avec de la lumière. Ces phénomènes n’ont jamais été observés car ils nécessitent des intensités lumineuses extrêmes, un million de fois plus élevées que ce que produisent les lasers actuels. Afin d’approcher de ce seuil en intensité, Adrien Leblanc développe actuellement des « miroirs plasmas » capables de concentrer mille fois plus intensément ces puissances lasers. Ces travaux vont permettre de faire entrer les lasers de haute puissance, comme celui émis par l’IR* Apollon qui sera utilisé dans ces travaux, dans un nouveau paradigme.

Un « miroir plasma » est en réalité une plaque de verre sur laquelle on fait réfléchir un laser de haute puissance. L’interaction entre le verre et ces impulsions lumineuses de haute intensité arrache les électrons des atomes et crée localement un plasma de haute densité. Celui-ci oscille à la surface du solide en suivant la longueur d’onde du laser. En utilisant cette oscillation et en focalisant la réflexion du laser, il est possible de le compresser temporellement et spatialement et ainsi de multiplier par un facteur 1000 son intensité.

Les travaux d’Adrien Leblanc pour « booster » les intensités lasers sont un premier pas vers la création de matière dans le vide, qui reste encore hors de portée aujourd’hui. « Je ne pense pas voir ça de mon vivant ! » nous confie le chercheur. Ses travaux permettent déjà de reproduire en partie ce phénomène, en faisant entrer en collision des lasers hautement intensifiés avec des électrons accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière.

Les recherches menées par Adrien Leblanc pour intensifier et compresser les lasers de haute puissance permettront non seulement de tester expérimentalement ces conditions et les limites d’une des théories les plus précises de la physique, mais ils ouvriront également des possibilités pour d’autres disciplines. Le champ médical et en particulier les radiothérapies, ou encore la radiographie d’objets denses à l’échelle industrielle, pourraient bénéficier de cette avancée technologique de pointe.

  • 1LOA – CNRS / École polytechnique / ENSTA Paris