La start-up UNVEIL veut révolutionner le contrôle qualité des biomédicaments
Les biomédicaments constituent une révolution thérapeutique et représentent désormais une part de plus en plus importante du marché du médicament. Mais sous certains aspects, le contrôle qualité des biomédicaments représente un réel défi lors de leur fabrication. C’est là qu’intervient la start-up UNVEIL et sa technologie optique développée au Laboratoire Charles Fabry.
Les biomédicaments sont une génération récente de médicaments qui se révèle efficace pour soigner des maladies difficiles à traiter telles que certains cancers ou des maladies auto-immunes. La particularité des biomédicaments est que leur substance active est fabriquée à partir de cellules vivantes. S’ils restent encore relativement peu connus du grand public, ils ont été mis en lumière durant la période du Covid avec les vaccins à ARN messager, une des sous-catégories.
Les biomédicaments peuvent être divisés en deux catégories, en fonction de leur taille. La première est constituée de biomédicaments mesurant quelques nanomètres (tels les anticorps ou les hormones). La seconde utilise des nanoparticules entre 30 et 200 nanomètres (e.g., des virus, des nanoparticules lipidiques, des vésicules extracellulaires, etc.). La jeune entreprise UNVEIL, issue du Laboratoire Charles Fabry (LCF1 ) travaille sur cette deuxième catégorie, dans l’objectif de faciliter leur contrôle qualité pour les sociétés pharmaceutiques ou la recherche.
« Ces biomédicaments disposent d’une substance active, qui va avoir une action thérapeutique, qu’il faut emmener vers les bonnes cellules du patient. Pour cela, il faut utiliser un véhicule, appelé vecteur, qui sont des nanoparticules entre 30 et 200 nm », explique Matthieu Greffet, cofondateur et président de la société UNVEIL.
Le processus de fabrication de ces biomédicaments présente cependant quelques difficultés en matière de contrôle qualité. L’un des enjeux est de s’assurer que tous les vecteurs contiennent bien la substance active et ne sont donc pas vide. Si le vecteur est vide, non seulement le médicament sera inefficace puisqu’il ne va pas délivrer de substance active, mais il peut aussi s’avérer dangereux pour le patient en causant des réactions allergènes.
À ce jour, les méthodes utilisées pour ce contrôle qualité sont chères, longues de plusieurs dizaines d’heures et nécessitent une grande quantité d’échantillon, alors que ces derniers sont précieux. Ces contraintes rendent les techniques existantes difficilement intégrables à des lignes de production de biomédicaments.
C’est là qu’intervient la technologie développée par UNVEIL. Si l’entreprise planche dessus depuis 2022, cette solution est le fruit des travaux menés par Jean-Jacques Greffet, professeur Université Paris-Saclay au Laboratoire Charles Fabry et père du cofondateur d’UNVEIL, tout au long de sa carrière de physicien en nanophotonique et en optique de champs proches.
UNVEIL a ainsi conçu un instrument optique, adossé à un logiciel de traitement d’images qu’elle a également développé. « Très concrètement, il suffit de placer une goutte contenant des vecteurs dans l’instrument. La caméra va ensuite filmer, au rythme de 1 000 images par seconde, cette goutte sous laquelle est placée une source de lumière générée par un laser. Après un important traitement des images, nous allons obtenir des images avec des petites tâches que l’on voit se déplacer au gré d’un mouvement brownien, et chacune de ces tâches est un vecteur », explique le président d’UNVEIL.
La solution d’UNVEIL permet ensuite d’estimer la masse du vecteur à partir de la lumière qu’il diffuse, et ainsi déterminer s’il est vide ou non. Cette estimation repose sur le fait que plus un objet est lourd, plus il diffuse de la lumière, de la même manière que lorsqu’une poussière passe devant un rayon de soleil, plus elle est grosse plus elle est visible.
Cette technologie nécessite ainsi « 50 000 fois moins d’échantillon » que les solutions actuellement utilisées, permet une analyse en « quelques minutes contre des dizaines d’heures », et s’avère « plus simple car il suffit d’extraire une goutte d’échantillon avec une pipette puis de l’insérer dans le microscope », résume Matthieu Greffet : « C’est moins cher, plus rapide et plus facile ».
Si déterminer le chargement des vecteurs est l’application que privilégie actuellement UNVEIL pour sa solution, d’autres sont possibles. Sa technologie permet ainsi également de mesurer la concentration de vecteur dans un volume donné, ou encore de détecter des agrégats de vecteurs qui risqueraient d’altérer les propriétés biopharmaceutiques des vecteurs tout en exacerbant leur immunogénicité, compromettant à la fois l'efficacité thérapeutique et la sécurité des patients. Les recherches sur lesquelles s’appuient la technologie d’Unveil ont fait l’objet d’un brevet publié en 2024.
« Le point de départ, ce sont les nanoparticules qui, à cause de leur taille sont difficiles à observer car elle diffuse très peu de lumière, indique le président de l’entreprise. Notre technologie repose sur un microscope interférométrique, optimisé pour être très sensible. Ce microscope va collecter la lumière diffusée par les nanoparticules, mais également une partie de la lumière qui a permis de les éclairer. Ces deux lumières combinées vont générer un phénomène interférométrique qui va exalter le signal perçu. Notre implémentation d’un microscope interférométrique nous a permis d’aller plus loin que l’état de l’art en termes de sensibilité et de résolution en mesure de masse. »
UNVEIL est une société d’instrumentation. Elle commercialisera l’ensemble composé du microscope et de l’ordinateur contenant le logiciel de traitement d’images, à des sociétés pharmaceutiques et du monde académique. « Ce type d’instrument peut intéresser les biotechs et les grands groupes pharmaceutiques, souligne le président d’UNVEIL. Il va aussi intéresser le monde académique car la création d’un médicament commence systématiquement avec des groupes de recherches dans les laboratoires. »
La société UNVEIL est accompagnée par l’Institut d’Optique Graduate School, IncubAlliance et est soutenue par le programme RISE de CNRS Innovation. Ce programme accompagne les scientifiques dans leurs projets de création de start-up visant à valoriser les technologies développées dans les laboratoires CNRS. Les statuts de l’entreprise ont été déposés fin 2024 et UNVEIL programme une levée de fonds pour le printemps 2025. Un premier prototype fonctionnel a déjà été réalisé et une pré-série sera disponible à la vente ou à la location à partir de mi-avril 2025.
- 1Le Laboratoire Charles Fabry est une unité mixte de recherche CNRS/Institut d'Optique Graduate School/Université Paris-Saclay située à Palaiseau (Essonne).