Le phytoplancton vagabond en avance sur le printemps

Résultat scientifique Terre et environnement

Imaginez quelques brins de muguet qui se seraient mis à fleurir avant les autres, et qui déambuleraient d’un champ à l’autre au grès du vent. Ils sont en avance, regroupés le long de longues volutes et suivent les mouvements chaotiques turbulents de ces volutes. C’est ce qu’il se passe dans l’océan, pendant la floraison du phytoplancton dans l’Atlantique Nord. Ce phénomène est un des facteurs les plus importants de l’efficacité de la pompe biologique de carbone dans l’océan. La période de floraison du phytoplancton s’étend sur plusieurs mois1 du fait de l’étendue géographique2 .

Mais le démarrage de la floraison de phytoplancton est loin d’être homogène, c’est ce qu’a montré pour la première fois une équipe de recherche du CNRS (voir encadré). En utilisant les images satellites de couleur de l’eau3 , l’équipe a détecté des écarts dans le jour du démarrage de la floraison, et ce sur moins de 10 km de distance. L’équipe a aussi montré que le phytoplancton commençait d’abord à fleurir dans des fronts mouvants, liés à la turbulence des courants4 . Les données spatiales ont permis de compartimenter, chaque jour, ce milieu turbulent en zones frontales et zones non frontales, et de comparer les statistiques de croissance du phytoplancton dans ces deux milieux de localisation éphémère.

Les résultats ont révélé que le démarrage de la floraison du phytoplancton était plus précoce dans les fronts d’une à deux semaines, et que la floraison est deux à trois fois plus intense dans les fronts. Ces mécanismes pourraient avoir des conséquences en cascade sur les écosystèmes océaniques, la biodiversité et la capacité à fixer du carbone5 .

  • 1Elle démarre début mars au large des Açores, et il faut attendre jusqu’à fin juin pour la voir apparaitre au large de Irlande.
  • 2Les conditions favorables à la floraison sont liées à la stabilité des eaux de surface où va se développer le phytoplancton[2]. En hiver, les eaux fortement instables induisent un mélange profond, qui va priver ces plantes microscopiques de la lumière nécessaire à leur photosynthèse. Au printemps, les premiers rayons de soleil réchauffent la surface de l’océan, ce qui met un terme à ce brassage vertical et permet à la floraison de commencer.
  • 3Les satellites, qui mesurent la « couleur de l’eau », permettent aujourd’hui d’observer la propagation vers le nord de cette vaste ceinture verte entre mars et juin, année après année.
  • 4En effet, ils ont cette spécificité de s’opposer au brassage vertical, ce qui permet en théorie à la floraison de démarrer un peu avant le printemps.
  • 5Le phytoplancton étant le premier échelon du réseau trophique dans les océans.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques ( LOCEAN – IPSL - Ecce Terra )

Tutelles : CNRS / IRD / MNHN / Sorbonne Université

  • Laboratoire de météorologie dynamique (LMD - IPSL - Ecce Terra)

Tutelles : CNRS / ENS-PSL / École polytechnique / Sorbonne Université

Données MODIS-Terra © Clément Haëck

Pour en savoir plus

Haëck C, Lévy M, Mangolte I, Bopp L (2023) Satellite data reveal earlier and stronger phytoplankton blooms over fronts in the Gulf Stream region. Biogeosciences 20:1741–1758. doi: 10.5194/bg-20-1741-2023