Les invasions biologiques, aussi coûteuses que des catastrophes naturelles

Communiqué de presse Terre et environnement

En 40 ans, les pertes financières induites par les invasions biologiques ont été équivalentes à celles provoquées par les différents types de catastrophes naturelles comme les tremblements de terre, les inondations ou les tempêtes. Elles augmentent même plus rapidement que celles dues aux aléas naturels. C’est ce qu’ont découvert des scientifiques du CNRS et de l’Université Paris-Saclay exerçant au laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE - CNRS/Université Paris-Saclay/AgroParisTech) situé à Gif-sur-Yvette. Leurs résultats, obtenus avec le soutien du Fonds AXA pour la Recherche, sont publiés dans le numéro d’avril-mai 2023 de Perspectives in Ecology and Conservation.

En envahissant de nouveaux milieux, certaines espèces exotiques ont des conséquences désastreuses sur les espèces locales, les écosystèmes, mais aussi sur les activités humaines. Dégradation d’infrastructures, de cultures, de plantations forestières, impacts sur les rendements de pêche, la santé ou encore le tourisme, les domaines touchés sont multiples et les dégâts onéreux.

L’équipe de recherche internationale dirigée par des scientifiques du laboratoire Écologie, systématique et évolution (CNRS/Université Paris-Saclay/AgroParisTech) révèle par une nouvelle étude un ordre de grandeur évocateur : l’impact économique mondial de ces invasions biologiques est équivalent à celui de catastrophes naturelles. De 1980 à 2019, les pertes financières dues aux espèces exotiques envahissantes s’élèvent à 1208 milliards de dollars (US), contre près de 1914 milliards de dollars de pertes causées par les tempêtes, 1139 milliards de dollars attribués aux tremblements de terre ou encore 1120 milliards de dollars dus aux inondations.

Les scientifiques ont également découvert que les coûts des invasions biologiques augmentent plus rapidement que ceux induits par les catastrophes naturelles sur une période donnée. Les espèces envahissantes ont un effet durable et cumulatif : par exemple, la moule zébrée est capable de se fixer à une grande variété de substrats, ravageant aussi bien les coques de bateaux que les canalisations de centrales nucléaires. Or, sa prolifération est particulièrement problématique en Amérique du nord.

À ce jour, les investissements dédiés aux dispositifs de prévention et de gestion des invasions biologiques sont dix fois moins élevés que les pertes financières engendrées par ce phénomène. Pour l’équipe de recherche, ces résultats appellent au déploiement de plans d’action et d’accords internationaux afin de limiter la dissémination des espèces exotiques envahissantes, analogues à ceux mis en œuvre dans le cadre des catastrophes naturelles.

Ces résultats ont été obtenus grâce à la base de données Invacost, qui recense à ce jour plus de 13 500 coûts dus aux invasions biologiques dans le monde. Les coûts des catastrophes naturelles à l’échelle mondiale ont quant à eux été établis avec la base de données internationale sur les catastrophes (International Disaster Database) et aux données de l’Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA).

Coûts économiques des dommages causés par les catastrophes naturelles (en gris) et par les invasions biologiques
Coûts économiques des dommages causés par les catastrophes naturelles (en gris) et par les invasions biologiques (en rouge), en milliards de dollars (valeur 2020). Les cercles montrent les coûts totaux entre 1980 et 2020, qui sont du même ordre de grandeur pour les quatre premières catégories. Les courbes montrent l’accroissement annuel de ces coûts pendant cette période. Les deux représentations illustrent que les invasions biologiques sont aussi coûteuses que des catastrophes naturelles.
© Turbelin et al./ Perspectives in Ecology and Conservation

Bibliographie

Biological invasions are as costly as natural hazards. Anna J. Turbelin, Ross N. Cuthbert, Franz Essl, Phillip J. Haubrock, Anthony Ricciardi et Franck Courchamp. Perspectives in Ecology and Conservation, avril-mai 2023. DOI : https://doi.org/10.1016/j.pecon.2023.03.002