Trois questions à Sébastien Vidal, l’homme au chevet de la structure des sucres

Dans le cadre de ses recherches, Sébastien Vidal, directeur de recherche CNRS à l’Institut de chimie des substances naturelles - ICSN (CNRS) au sein du Département de chémobiologie, synthétise de nouveaux glucides et s’intéresse à leur rôle dans la prévention des infections bactériennes. Au cours de son travail de recherche, qui nécessite bien sûr une veille bibliographique, il lui arrive de relever des inexactitudes dans les structures des sucres décrites dans la littérature. Il a pris l’habitude de les signaler aux auteurs et aux éditeurs des revues pour qu'elles puissent être corrigées de manière à éviter leur propagation, une manière de contribuer à l’effort de recherche collectif dans le domaine. Sur Twitter, il utilise le hashtag #vidalized pour évoquer cette problématique.

Qu’est-ce qui a motivé votre démarche de recenser les structures de sucres erronées ?

Cela a commencé par hasard en voulant synthétiser un sucre décrit dans un article. Je me suis aperçu par une simple vérification visuelle d’une erreur de structure. J'ai donc cherché une autre méthode de synthèse dans la littérature, dont les données expérimentales étaient en accord avec ladite structure. Depuis 8 ans, j’ai pu constater 350 erreurs de cette nature.

 

Pourquoi ces inexactitudes ne sont-elles pas relevées par les comités de lecture ? 

Ce type d’erreur détectable par analyse visuelle de la géométrie (stéréochimie) des molécules pourrait effectivement être évité à plusieurs stades de la publication d’un article scientifique. Mais, malgré les précautions prises par les auteurs lorsqu’ils préparent leurs figures et par les experts qui analysent l’article, force est de constater que des inexactitudes demeurent et bien souvent par une erreur d’inattention qui peut bien arriver à tous. Pour pallier cela, les éditeurs des journaux scientifiques pourraient, dans un monde idéal, se doter d’un « expert structure », dont l’unique tâche serait de scruter à la loupe les molécules décrites dans les figures.

 

Comment pensez-vous que ces erreurs pourraient être évitées ?

Ces erreurs proviennent très souvent de l’utilisation de la fonction « Flip horizontal/vertical » présente dans de nombreux logiciels de visualisation qui permet d’orienter différemment une molécule dans l’espace pour ajuster une figure globale. Cependant, ce « flip » est une image dans le miroir de l’image originale, le reflet de celle-ci. Malheureusement, en chimie organique, une molécule chirale et son image dans le miroir sont deux molécules différentes appelées énantiomères. Afin d’éviter ce genre de mésaventure, il faudrait que chaque auteur qui soumet un article prenne le temps de vérifier chaque figure, mais aussi que les journaux et experts soient encore plus vigilants qu’ils ne le sont déjà. Les conséquences de ces erreurs peuvent se répercuter sur les brevets où les structures seraient mal représentées.

(*) L’American Chemical Society, sensible à cette démarche, lui a accordé une interview sur le sujet.
A Conversation with Sébastien Vidal | ACS Central Science

Contact :

Sébastien Vidal, Chercheur à l'Institut de chimie des substances naturelles (ICSN)