Le détecteur d’ondes gravitationnelles de troisième génération Einstein Telescope, regroupera trois interféromètres souterrains de 10 km disposés en triangle. Il pourrait voir le jour aux alentour de 2035. Crédit: R. Williams (STScI), the Hubble Deep Fiel

Einstein Telescope : la collaboration désormais en ordre de marche

Physique des particules et matière Univers

Le XIIème symposium ET, à Budapest du 7 au 8 juin, a marqué le véritable démarrage de la collaboration Einstein Telescope (ET). La large communauté de quelques 1200 physiciennes et physiciens est désormais en ordre de marche pour donner vie à ce vaste projet de détecteur européen d’ondes gravitationnelles de troisième génération. Un instrument de 10 km de long, dix fois plus sensible que ses actuels prédécesseurs Virgo et LIGO. Ce projet, qui avait décroché le financement de sa phase préparatoire en avril, implique notamment le Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab - CNRS/Université Paris-Saclay) à Orsay.

La collaboration Einstein Telescope vient de franchir une étape importante avec, pour la première fois, la rencontre à Budapest les 7 et 8 juin dernier des quelques 80 représentants du Conseil de la collaboration (Collaboration board) pour entériner les règles de fonctionnement, ses objectifs scientifiques et les développements nécessaires pour y parvenir. Cette étape symbolique, comparable à la naissance d’une petite société savante unie autour de la réalisation de ce futur grand instrument, est le dernier jalon qu’il restait à franchir pour que ce projet, né dans l’esprit des scientifiques dans le courant des années 2000, soit en ordre de marche.

Einstein Telescope, détecteur européen d’ondes gravitationnelles de « troisième génération » (après Virgo et Advanced Virgo en Europe et LIGO aux Etats-Unis), a en effet été imaginé il y a une quinzaine d’années pour détecter, avec une sensibilité décuplée, les infimes soubresauts de l’espace-temps engendrés par les phénomènes cosmiques extrêmes. Il repose sur l’expérience acquise avec les détecteurs actuels de seconde génération, dont fait partie Virgo. Comme ses prédécesseurs, ET fera appel à des interféromètres lasers géants pour percevoir les ondes gravitationnelles. Il en comptera trois, longs de 10 km et organisés en triangle, à comparer à Virgo qui en utilise un unique, long de 3 km. Autres différences notables, ET sera souterrain pour s’affranchir du bruit sismique de surface. Enfin, le détecteur sera composé de deux interféromètres distincts, le premier sera à température ambiante tandis que l’autre aura des miroirs refroidis à température cryogénique pour réduire les vibrations thermiques. Les premières études menées autour de ce projet, financées notamment grâce au programme Européen FP7, ont culminé avec la publication du Einstein Telescope conceptual design report en 2011. Mais cette année-là, les ondes gravitationnelles n’avaient pas encore été découvertes et restaient donc un concept théorique. C’est suite à la détection des premières fusions de trous noirs et d’étoiles à neutrons que la mise en place de la collaboration a accéléré. En 2019 une lettre d’intention est signée par 730 scientifiques et un comité de pilotage (ET steering committee) est mis en place.

Existence pleine et entière de la collaboration

Depuis, le comité de pilotage, composé d’une vingtaine de scientifiques européens, a remis à jour les fondamentaux du projet (Publication d’un « Design report update 2020 » et d’un « ET science case »). La communauté scientifique a été structurée en créant des groupes de travail sur le détecteur, la science, la caractérisation des sites candidats et le calcul. En 2021 le projet ET a été inséré dans la feuille de route européenne des infrastructures de recherche (ESFRI). Les premiers fonds nécessaires aux études préliminaires au développement d’ET ont été obtenus début 2022 (projets INFRA-DEV Horizon EU). Dans le même temps, dans chacun des pays membres, des équipes dédiées au projet se sont constituées et portées candidates au projet ET. Huit équipes se sont ainsi formées en France, fédérant quelques 110 personnes. Ce sont l’ensemble des représentants de ces équipes qui, réunis à la manière d’un petit parlement à Budapest début juin, ont véritablement donné son existence pleine et entière à la collaboration.

La collaboration Einstein Telescope réunie à l’académie des sciences hongroise à Budapest.
La collaboration Einstein Telescope réunie à l’académie des sciences hongroise à Budapest pour le XIIème symposium ET les 7 et 8 juin 2022. Crédit : Collaboration ET

Plus de 400 scientifiques, sur plus de 1200 membres de la collaboration, ont participé à la réunion de Budapest en personne ou à distance. Les membres de ET ont discuté de l'état d'avancement de l'expérience, des objectifs scientifiques et des progrès scientifiques et techniques. Le symposium a également été l’occasion de présenter le projet INFRA-DEV Horizon EU, destiné à soutenir la phase de préparation de l'expérience, ainsi que la proposition INFRA-TECH Horizon EU, récemment soumise pour soutenir les activités de R&D liées à ET.

Un démarrage envisagé en 2035

Maintenant que la collaboration est sur les rails, un porte-parole sera élu à l’automne et le rythme des réunions de travail du Conseil de la collaboration passera à plusieurs par an. L’objectif est dorénavant de mener à bien les études de faisabilité et de choix du site d’implantation, pour qu’Einstein Telescope puisse prendre le relai de Virgo dans la deuxième partie des années 2030. Avec le satellite européen LISA, qui s'envolera dans la même période pour sonder les trous noirs super-massifs, et le détecteur d’ondes gravitationnelles américain Cosmic Explorer, ET continuera la révolution astronomique et de physique fondamentale commencée avec les détections de Virgo et LIGO.

Pour en savoir plus

Retrouver l'actualité sur le site de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS (IN2P3)